Une partie de la reconnaissance, en France, de l’œuvre de Jan Švankmajer est à mettre sur le compte de quelques passionnés du cinéma d’animation, et le Festival d’Annecy fut, à plusieurs reprises, le lieu où le public étonné put découvrir l’ampleur de cette œuvre exubérante et unique. L’orientation prise depuis quelques années par le festival semble malheureusement s’être ostensiblement éloignée de sa vocation curieuse et passionnée, et la sélection de cette année fut, à l’image de celle des années précédentes, pleine de complaisance pour un cinéma « professionnel » commercial et convenu. Autant dire qu’il n’y avait que très peu de choses à retenir de ce déballage de technologie et de gros budgets, et les seules notes de véritable poésie étaient plus à chercher dans les rétrospectives, les programmes spéciaux ou les films d’école, que dans la sélection officielle. Il y avait pourtant une très bonne raison de venir. En effet, le Musée-Château d’Annecy organisait une exposition des œuvres d’Eva Švankmajerova et Jan Švankmajer, la plus grande à ce jour en France. Articulée autour des paragraphes d’un décalogue créatif, l’exposition présentait, dans les salles du château, une sélection d’œuvres anciennes et récentes des deux surréalistes tchèques. Gravures, céramiques, objets tactiles, marionnettes, collages, peintures, regroupés par thèmes analogiques et entrecoupés d’extraits de films, permettaient d’aborder l’univers foisonnant et multiple du couple et de partager un peu de ses obsessions. Des cycles importants, comme les toiles interprétatives faites par Eva d’après les planches du Mutus Liber ou les poèmes-collages tactiles du Maldoror négatif de Jan, voisinaient avec des œuvres un peu plus connues, comme les planches du Bilderlexicon ou les toiles du cycle du Catalogue de meubles. Dans une petite pièce trônait l’armoire érotique, peinte par Eva à l’occasion de l’exposition collective du groupe surréaliste tchèque et slovaque, à Přibřam en 2000. Juste avant le vernissage, quelques-uns d’entre nous purent apercevoir une Eva furtive s’enfermer à l’intérieur, pinceau à la main, pour parachever son œuvre. Accompagnée d’une projection de plusieurs extraits de films et d’un livre, Bouche à bouche, contenant des reproductions, des articles et des traductions, l’exposition qui s’est tenue du 1er juin au 30 septembre au Musée-Château sera reprise à Charleville-Mézières à la fin de cette année. B. S.

Bouche à bouche exposition de Jan Švankmajer et Eva Švankmajerova, Institut international de la marionnette à Charleville-Mézières, du 30 octobre 2002 au 2 janvier 2003.

Švankmajer E & J Bouche à Bouche, livre collectif, 167 p., aux Editions de l’Œil, textes G. Dunant, M. Jean, P. Král, M.- D. Massoni, A. Pravdová, B. Schmitt, Jan et Eva Švankmajer, P. Vimenet.

Un colloque autour du surréalisme tchèque et du cinéma de Jan Švankmajer est organisé les 30 novembre et 1er décembre au cinéma L’Archipel à Paris.