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CHRIST ON A BIKE

vendredi 13 novembre 1998.
 
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t le cœur de l’océan fut rendu aux grands fonds.

Et Paris fit d’un tunnel le mausolée d’une Cendrillon anorexique, délaissée par son prince et amante d’un marchand de canons, qui mettait autant de soin à modeler ses jambes que Sissi sa coiffure, et qui distribuait des béquilles aux victimes des mines .

Le cœur de l’océan rendu aux grands fonds, la France n’eut qu’un cœur pour saluer ses maréchaux de la République des stades, dans la merveille multi ethnique, multi médiatique, tandis qu’un citoyen-ministre de l’intérieur en effaçait les ilotes, rêvant d’une cryptie pour que soit dite la messe des sans papiers.

X-files, Le Cinquième élément, Diana, Titanic, la Coupe du monde de football, à chaque saison ses raz de marée mythique, ses gazages d’exultations.

La vérité est ailleurs : ce n’est pas le trésor espéré que les chasseurs d’épaves équipés d’une robotique dernier cri vont trouver dans l’épave du Titan, c’est son image, au cou d’une Olympia. Orpheline de classe, mais demoiselle sans le sou, cette Olympia, devait être mariée à un infâme qui l’aurait possédée dans les eaux glacées du calcul égoïste, à l’arrivée outre Atlantique. Mais elle lui préféra un manant artiste. L’infâme lui avait pourtant offert ce cœur de diamant, agent premier de l’initiation dans ce voyage vers la liberté et la jeunesse, c’est à dire depuis l’Angleterre vers l’Amérique.

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le kangourou du Titanic
Guy Girard

Ailleurs : dans les tentatives d’affrètement de l’imaginaire les codes mythiques sont aisément repérables, Cameron et son équipe connaissent bien les Abysses. Labyrinthe de signes en ombre portée sur un coup de foudre « interclassiste », comme dans les contes. C’est, vêtue du cœur (à moi Baudelaire !) offert par son fiancé brun, et posant pour son blondin que la vieille dame devenue centenaire et narratrice, dit avoir vécu le moment le plus érotique de sa vie : c’est à dire en foyer double, et sans contact charnel. Le regard de l’homme l’a créée femme et, passive se mirant au désir de l’autre, elle a connu la suprême jouissance.

Dans cette île flottante, la descente « au centre de la terre » devient descente à la cale. La « grotte » où a lieu l’accouplement primordial duquel on ne voit que la buée, c’est la voiture d’où elle est descendue, chapeau masquant son visage, au début du film.

De cette hiérogamie, nous ne verrons que la trace des doigts tentant de s’agripper dans la montée de l’orgasme, ou la citation de Hitchkock, annonce de la terreur à venir, ainsi que l’a remarqué Kryzstof Fijalkowski. L’instant d’après l’iceberg apparaît, bloc de mer, corps sans organes, et l’ange du fatum éperonne le bateau.

Cette demoiselle qui emporte dans ses malles les ébauches des demoiselles d’Avignon et qui connaît déjà son Freud sur le bout des seins nous le signifie : nous devons nous livrer à une interprétation psychanalytique, entendre les mythes comme inscription dans l’inconscient, et la cassure du Titanic comme une castration cyclopéenne.

Que l’invisible devienne visible, et c’est trop tard : l’eau devenue iceberg écharpe le beau bateau, et le titan va couler. Prométhée a fait le malheur des hommes.

Respectons les Eaux primordiales.

Le « méchant » fiancé qui voudra acheter sa place dans le dernier canot et qui sortira vivant du naufrage, relève d’une autre juridiction suprême : Wall Street. Il sera en effet puni par où il a péché et se suicidera en 1929, ruiné par le krach.
Respectons le Libéralisme.

Glossaire :

Titane : numéro atomique 22 (voir tarot)

Titanic : 271 mètres de long. Coulé dans la nuit du 14 au 15 avril 1912

Titanides : Cronos était le plus jeune. Après leur révolte Zeus les précipita dans le Tartare. On en a fait les ancêtres des hommes (voir horloge de l’escalier d’honneur du Titanic).

Prométhée : Titan, frère d’Epiméthée, il s’allia à Zeus contre les autres

Titania : voir Shakespeare : Le Songe d’une nuit d’été . Chère au cœur de Sissi (voir Diana )

En fait l’iceberg meurtrier, celui qui a mis à nu la misère de l’homme face à la nature, ou la vanité de ses illusions prométhéennes, s’est détaché de la banquise à la faveur du décollage d’une soucoupe volante. C’est ce que nous fait comprendre le film X files. Si la demoiselle du FBI est séquestrée dans l’Antarctique par les Forces du mal (entendons : les extra-terrestres et leurs hommes de main), ce n’est pas parce que c’est un continent glacé. Non, c’est que tout lieu glacé et désert est propice à l’engendrement des mutants. Bien sûr le scénariste ne peut pas tout nous dire, mais le brouillon Mulder (muddler) a besoin de son intouchable parèdre féminine, de la rationnelle Scully, celle qui rame en couple (to scull), mais qui est souvent aux confins de la mort (skull) et qu’il retrouve dans l’utérus géant (la soucoupe toujours), grâce à sa croix léguée par sa mère.

Touchante de rationalité fonctionnelle la donzelle rousse est obligée de passer sous les fourches caudines, aux frontières du réel, de son nécessaire complément mais avec plus de charme tout de même que les détracteurs de la série qui n’ont de cesse de nous expliquer que ce type de film fait le lit du fascisme, et par l’idéologie du complot (extra planétaire mais avec des hommes de main terriens) qu’elle véhicule, et par l’irrationnel qui y règne en maître. Magique tour de passe-passe des saint sulpiciens de l’Etat, qui au nom de la raison et de la démocratie, se transforment en défenseurs de l’oppresseur.

La décomposition des pouvoirs politiques c’est pourtant une vieille chose et qu’il est dérisoire le complot qui nous est dévoilé dans X files !

Les grandes manipulations de masse dans les journaux télévisés présentant le faux charnier de Timisoara, ou de fausses images de la guerre du Golfe sont autrement dangereuses.

Le succès des émissions d’aveux publics qui rappelle les grands spectacles de l’Inquisition a sûrement de quoi réjouir l’Opus dei, et quand Mère Theresa s’envoie en l’air peu de temps après avec Diana voilà un grand succès de marketing oecumenique. Mais les victimes des accusations se retrouvent en taule

A l’état impuissant bien que « multi-ethnique » du 5° élément fait écho la bouffonnerie salutaire de Tim Burton et l’on sourit quand Mulder compisse l’affiche d’Indepedance day. Pourquoi faudrait-il voir uniquement la marque de l’aliénation généralisée dans cette gigantesque compilation de mythes signalant simplement que nous sommes au seuil d’affrontements de grande envergure où il s’agira non seulement de lutter contre la barbarie de l’économie mais aussi contre l’interdit du rêve.

Homme-machine, toujours tu chériras tes ratés disait Bernard Caburet.

Marie-Dominique Massoni,
avec la complicité de Rachel et Krzysztof Fijalkowski