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découvrir Alejandra Pizarnik

(1936-1972)
dimanche 20 octobre 2002.
 

Toute la nuit je fais la nuit.
Toute la nuit tu m’abandonnes lentement comme l’eau tombe lentement.
Toute la nuit j’écris pour chercher qui me cherche.
Mot à mot j’écris la nuit.

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a rose répandue imprime des cris dans la neige. Tombée de la nuit, tombée du fleuve, tombée du jour.

C’est la nuit, mon amour, la nuit égarée et obscure, brûlant ses habitudes safranées dans l’immonde cave du sacro-saint présent. Ire merveilleuse du réveil dans l’abstraction magique d’un langage inacceptable. Ire de l’été. Ire de l’hiver. Monde au pain et à l’eau. Seule la pluie se dirige vers nous avec son offrande inimaginable. La pluie parle enfin et dit.

Méticuleuse initiation de l’habitude. Cristaux crispés dans des jardins égratignés par la pluie. La possession du prétendu passé, du peuple qui fulgure, incandescent, dans la nuit invisible. Le sexe et ses vertus d’obsidienne, son eau flambante qui s’élabore contre les montres. Mon amour, la singulière quiétude de tes yeux égarés, la bienveillance des grandes routes qui accueillent morts et mûres et tant de substances vagabondes ou ensommeillées comme mon désir d’incendier cette rose pétrifiée qui inflige des parfums d’enfance à une créature hostile à sa plus ancienne mémoire. Malédiction éjaculée en plein été, face au ciel, comme une chienne, pour répudier l’influx sordide des voix vitreuses qui se brisent dans mon oreille comme une vague dans une conque.

Alejandra Pizarnik
(Traduction de Silvia Baron Supervielle)