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Réponse de Marie-Dominique Massoni

mercredi 7 décembre 2005.
 

1) Comment décririez-vous la volupté ?
(Celle que vous éprouvez, celle que vous partagez.)

Comme une présence-absence, comme une dissolution vaporeuse où se révèlent des perceptions aiguës de sons impalpables, d’odeurs improbables, aquatiques, célestielles, où la peau et le corps, les yeux et d’intimes constellations dansent immobiles dans un lieu protégé de toute intrusion du fracas de la vie. Sublime infinitude de l’être au monde, tout intellect évaporé, elle est un don du corps dans la ténèbre du cœur, et d’échos en échos dilate ses strates jusqu’à les vaporiser.
Syzygie du corps et du mental, comme l’amour, dont elle est l’un des délices, elle peut annoncer ou offrir ses promesses en tout lieu, un regard, une sensation une image, pouvant provoquer la coupure d’avec la foule.

2) Pensez-vous que, par delà le plaisir, l’orgasme et sa jouissance, il y a des conditions particulières pour que l’acte sexuel engendre la volupté ? Lesquelles ?

Le silence, une certaine qualité de réception de l’autre, du lit, de la roche, du ciel, des images qui se déroulent et s’enroulent aux odeurs d’amour, à la peau de l’aimé, au fil de ses paupières, dans un ondoiement de feu lent.

3) Que nous dit-elle sur notre condition de vivants ?

Elle ne nous en dit RIEN, et dans ce rien nous permet d’être au monde.

4) Quel éclairage vous apporte-t-elle sur le sens de la vie, de la mort, et de leur reproduction ?

Elle permet délicieusement la pratique de la metanoia et ne peut advenir qu’hors de toute menace, en cela elle diffère de diverses formes de jouissance. Elle est proche de la joie d’un gai savoir qui ne cesserait de lever ses voiles vers de plus aigus raffinements.

5) Pensez-vous pouvoir la considérer comme le bien absolu ?

Je ne connais aucun bien absolu.

6) Participerait-elle, au centre d’une conscience et/ou d’une inconscience approfondies, du point suprême de l’esprit, tel que l’a exprimé André Breton ?

Au moins en signale-t-elle une voie.

7) A-t-elle pu inspirer plus ou moins directement quelques civilisations, quelques traditions, quelques utopies ?

Je ne sais. Il est difficile de savoir ce qui a inspiré ce qui fut, ce qui est. J’aurais même du mal à répondre pour Fourier, dont le nom surgit spontanément en réponse à cette question. Les sybarites étaient-ils voluptueux dans la conception même de leur société ? Les miniatures persanes traduisent-elles une civilisation fondée sur la volupté, je ne crois pas. Qu’en savoir. Tout voyage à Cythère me paraît être de l’ordre des amants c’est-à-dire asocial. De même ne saurais-je rien dire des rites initiatiques qui furent. La volupté des mystiques n’a, elle, jamais inspiré quoi que ce soit de social. Sans doute y a-t-il dans certains textes, dans certaines images une évidente volupté (ainsi en alchimie et jusque dans la mort du vieux roi). Cela ne fait que confirmer le fait que, individuelle, amoureuse ou éprouvée par plusieurs, la volupté est toujours marquée par la clôture à qui ne saurait y prendre part.

8) Pourrait-elle, sans pour autant être banalisée ou exploitée, être assumée par une société et à quelles fins ?

Où elle serait reconnue comme nécessité vitale peut-être. Cela supposerait une société où toute tentative de rapport de pouvoir serait vaine, une société où l’on en aurait fini avec la domination de l’homme par l’homme, avec l’argent aussi. Comme elle s’accroît avec la connaissance de ce qui peut la satisfaire, il semble qu’elle aurait, dans une telle société, la possibilité d’offrir ses dons.

9) De l’infiniment petit à l’infiniment grand, concerne-t-elle les phénomènes cosmiques dont nous n’appréhendons que la mécanique, mais dont les mouvements forcent à l’analogie ?

Très certainement puisqu’elle se déploie dans une dilatation de tout le corps en ses sensations permettant de voguer, de vaguer vers tout ce qui est nature. Elle est Vol, oiseau stellaire, harmonie intime de notre corps, jusqu’en ses secrets avec les constellations, du cœur à l’étoile qui monte de la terre et danse imperceptible-lumineuse avec les gerbes de la voûte céleste. A se demander si la musique des sphères chère aux pythagoriciens, n’était pas fille de volupté.