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Réponse de Sylvain Tanquerel

lundi 5 décembre 2005.
 

1) Comment décririez-vous la volupté ?

(Celle que vous éprouvez, celle que vous partagez.)
Une durée d’abord, un espace de temps où quelque chose qui est quelqu’un cherche à se dégager, à s’arracher, à apparaître pleinement. Les sens, décrochés de leur stase anatomique, s’échangent : œil digital, texture des souffles, tes parfums. Un transbordement s’opère, et c’est une élévation de substance, la proximité d’un présent : ce corps à deux, dont la lumière est une intensité de sang voilée par le monde. Mais : thermophone de la conscience ! - pyrobole métabasique ! - quelqu’une se donne ici à connaître qui n’est pas donnée : la connaissance. Il n’y aurait pas sans elle de volupté, crois-je. D’où son enfouissement, et l’animosité de la réalité à son égard (elle est l’ennemie, la toute-réelle). D’ailleurs, on a inventé le « sexe » pour y parer, relookage de la machinerie génitale du péché (celle des sex-shops sulpiciens plus que celle de quelques grands voluptueux mystiques).
Donc :

2) Oui je pense que, par delà le plaisir, l’orgasme et sa jouissance, il y a des conditions particulières pour que l’acte sexuel engendre la volupté. Car le problème est justement : l’existence (peut-on dire ?) d’une sexualité sans volupté, où se greffe au nœud tout un système de contrôle qui s’explicite dans la cryogénie pornographique des publicitaires (prélude en cul mineur). Là, une multitude se pense dans nos sexes, nous ne sommes plus vraiment seuls, donc nous ne rencontrons plus personne (raréification de la rencontre). Rien de réel ne s’y passe vraiment, le transbordement présent dans ses prémices vire et déborde, la conscience sabordée se reborde compulsivement dans ses pensées, rien n’a vraiment eu lieu. Claque le polichinelle ! Que l’on soit enchaîné dans des guirlandes de groupes agglutinés ou perclus dans les geôles solitaires du cyber peep-show importe peu. Un vent pas du tout salubre circule ici.

Dès lors quelles pourraient en être les conditions et :

3) que nous dit-elle sur notre condition de vivants ?

Que face à la Propagande magique qui conditionne nos désirs (« répartition marchande du spasme », rétorque l’Anti-Robert), la volupté pose ses conditions : « Comme toi, je requiers les corps mais j’ai du jeu. Je ne suis pas un « capital jouissance », mais une maîtrise du lâcher-prise où tes prescriptions n’agissent plus que sur les amants du mot « critère ». Encore un effort ! » Que nous dit-elle encore ? « Vivants, tout reste à faire, encore un effort pour être vivants ! Car je vous apporte un éclairage sur le sens de la vie, de la mort, et de leur reproduction ».
Enfants, écoutez… Dans le fatras des fivètes, des transferts embryonnaires et l’eugénisme nuageux des technomages, votre Mère se passe assez bien de volupté. Or, la volupté nous met en vie. Donc … (complétez le syllogisme).

5) Pensez-vous pouvoir la considérer comme le bien absolu ?

Sens des valeurs, didactique morale… « On ne va pas du mal vers le bien mais du pire vers le meilleur », rétorquait certain autre. André Breton, poète courtois, lui reste fidèle.

7) A-t-elle pu inspirer plus ou moins directement quelques civilisations, quelques traditions, quelques utopies ?

Directement dans notre civilisation : Fidèles d’amour, Société des Amis du Crime, Alchimistes, et les autres.

8) Pourrait-elle, sans pour autant être banalisée ou exploitée, être assumée par une société et à quelles fins ?

Certes, toute société se fonde sur la promesse (évasive et insinuante, comme il s’entend) d’une volupté. C’est une technique de greffage qui use de la « comédie magnétique » pour « exploiter vos mondes », théâtre subventionné par le système de frustrations en place. Il y ainsi comme un déplacement, un transfert : la volupté s’incarne, ou plutôt s’hypostasie ici dans le Consommateur voluptueux (qui n’existe pas, bien sûr), Image d’ailleurs tout aussi répugnante que celle, là-bas, du Lapidateur puritain, etc. Peut-on alors envisager une société où la volupté serait reconnue comme moyen de connaissance (et sa fin) ? Je ne l’imagine que secrète, érotisant les consciences, et semant des signes invisibles que d’autres pourtant (re)co-naîtront.

9) De l’infiniment petit à l’infiniment grand, concerne-t-elle les phénomènes cosmiques dont nous n’appréhendons que la mécanique, mais dont les mouvements forcent à l’analogie ?

Dans un monde où le Cosmos, devenu « espace », n’est plus que l’arrière-plan des existences personnelles (« cin., le plan le plus éloigné de l’œil du spectateur ») et, en somme, l’extension de leur petitesse, la volupté nous rappelle un temps à la danse nuptiale des astres et du cœur humain (musique de la durée).
D’ailleurs, à y regarder en oblique, l’arraisonnement scientifique de la Nature se heurte aujourd’hui à un mur théorique (l’unification des lois de la relativité et de la mécanique quantique) : il semblerait qu’il faille lui admettre une conscience (je ne parle pas d’un quelconque Monsieur ***). La volupté, lumière corporelle, éclaire cela à sa manière, seule effective.