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Bertrand Schmitt

Le Gré des rues

vendredi 25 avril 1997.
 

(...)

Paris, ville ficelle effilochée, cité à tordre, à écumer, comme te voilà petite.

Il y a quelques instants, je voyais les escarbilles de l’océan s’élancer contre tes portes périphériques, j’entendais dans tes rumeurs marmonner tout l’écho des syllabes outremarines que l’iode avait portées à la brûlure.

Et que peuvent me faire tes bouquets, grappes et migraines parfumées que tu couves, marché aux fleurs, sous l’envergure de grandes bâches lâchées à la va-vite ? Et que peuvent me dire toutes les lignes de toutes les pages, de tous les livres qui s’entassent au petit bonheur la chance le long des quais de la Seine, et que je n’aurais pu lire dans une seule goutte d’eau ?

(...)

Me voilà en marche, mécanisme remonté à bloc, tortillon entortillé à son pas de vis. Dérive pour dérive, un pas à peine plus haut que l’autre. Mes pieds malmenés n’arrivent même pas à me perdre, guidés qu’ils sont par ses enfilades de façades, où les seules brèches sont laissées par les cabrures de continuels chantiers.

Mais on m’a trop gavé d’absolu, trop donné à goûter les mièvres sucreries de l’idéal pour que je n’aie envie de mordre, d’avoir sur le bout de ma langue, sur le coin, rictus de mes lèvres, le goût chaud et salé de la chair.

(...)

(extrait)