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Commentaires du joueur absent

1996.
 
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es différentes phases du jeu du Fragment, proposé par Guy Girard, et singulièrement la dernière qui m’incombait, allaient m’amener à des processus créatifs que je ne crois pas inutile d’expliciter compte tenu des circonstances qui m’ont conduit à réaliser des sculptures en plâtre, conclusions plastiques des différentes étapes de ce jeu.

Pour le premier jeu, une lecture assez hâtive des différentes réponses m’imposait très rapidement le début de ma sculpture : l’idée d’une entité, à la fois minérale et animale, traînant derrière elle une sorte de voile ou de robe (le moulage en plâtre de la Gradiva qui se trouve au musée Sigmund Freud de Londres fut présent à mon esprit durant toute la conception de ce travail). Il s’est agi, dans la réalisation de ce premier jeu du Fragment, d’un processus absolument analogique et pas du tout illustratif, et la fabrication a procédé de l’automatisme.

Pour le second jeu, j’ai lu rapidement toutes les réponses et j’ai retenu pour point de départ de ma construction celles de Michel Zimbacca et de Guy Girard. Dans la première, m’attirèrent surtout les « tonnes de frites congelées » et la reconstitution de la pomme de terre. Mais l’idée de départ fut les compartiments rectangulaires de la ruche. Peu après, je redécouvrai une pomme de terre que j’avais conservée parce qu’elle présentait cette particularité de produire l’embryon d’une autre pomme de terre me suggérant l’idée de parturition, qui rejoignait la réponse de Michel Zimbacca qui avait éveillé mon attention de manière plus vive que les autres réponses. La dérision de la Natalité s’imposa à moi et j’envisageai aussitôt d’installer cet accouchement dans une grotte qui se creusa, je ne sais pourquoi, dans une construction d’architecture contemporaine mais qui, curieusement, se situait dans l’espace en échappant totalement aux notions habituelles d’horizontalité et de verticalité ou bien qui s’enfonçait dans le terrain. Cette construction supportait la ruche aux alvéoles rectangulaires et se voyait fendue par un objet contondant, arme, ou faucille sans manche, image totalement automatique, sans autre explication envisageable.

En ce qui concerne les troisième et quatrième réalisations, les réponses aux avatars de ce jeu me sont parvenues groupées. J’avais tout d’abord à faire un choix qui, il n’est pas inutile de le préciser, se présentait différemment dans la mesure où tous les textes étaient frappés à la machine, mon oeil ne fut pas attiré par le graphisme des manuscrits précédents qui, on peut le supposer, ont peut être infléchi mon choix. De plus, l’impératif d’illustrer obligatoirement le numéro 4, m’amena à une lecture autrement attentive que les abords plus subjectifs des deux premières propositions. Après une lecture par conséquent plus analytique, bien que j’eusse cherché, par une démarche assez rapide à faire jouer quand même l’automatisme, je me déterminai, en faisant le choix de la première interprétation, celle d’Anny Bonnin, non pas d’illustrer littéralement la réponse, mais de l’utiliser au plus près, en tentant de la fondre le plus possible dans ma propre subjectivité. J’élaborai alors une sculpture sur des éléments précis, un objet que je voyais dans sa totalité et que, mis à part quelques menus détails d’importance négligeable, je réalisai tel qu’il avait été conçu, alors que les objets précédents avaient été conçus et construits par étapes.

Mais le phénomène le plus intéressant est la conception et la réalisation de la réponse au numéro 4 de Guy Girard que j’avais très vite adoptée. J’y avais vu, à tort ou à raison, un clin d’oeil à ma profession, et je tentai d’imaginer les oeufs musiciens. Souhaitant utiliser la couleur et l’inclusion d’objets à des formes en plâtre, je me souvins avoir collationné, il y a plus de quinze ans, des objets divers, fragments, éléments disparates de toutes provenances, rassemblés dans des cagettes à légumes ou des cartons. Il ne me restait de ces matériaux qu’un très vague souvenir, et la démarche qui m’avait poussé alors à cette collection était d’ailleurs toute différente de ce qui m’y ramenait aujourd’hui. Dans un petit carton (d’ailleurs en piteux état), je découvrais alors tous les éléments que m’avait très rapidement suggérés la réponse de Guy Girard : deux petits oeufs en albâtre, un vieux réveil, une plaque pour fer à repasser, une aiguille à tricoter, une j ambe de « poupée Barbie », une petite botte rouge, un long et mince boudin en matière plastique dure, enroulé de telle façon qu’il évoquait irrésistiblement une clé de sol que l’on aurait tordue, un anneau de rideau en bois, un moulage en creux de deux diapasons, une autre forme en plastique, issue, comme la « clé de sol » d’une usine de plastique anglaise de la région de Maidstone et qui évoque une bougie. S’imposa à moi, alors, l’idée que tous ces objets devaient obligatoirement figurer dans ma réalisation. Le seul apport extérieur résidant dans une tige de fer que je coupai en cinq pour figurer une portée, quatre longues dents d’un peigne à chignon que je trouvais constamment sur mon chemin depuis plusieurs semaines et les fragments d’un petit pot à épices acheté à Prague et que je cassai malencontreusement lors de la visite d’une amie chère durant la fabrication de cet objet. J’ajoutai à la plaque de fer à repasser des fragments de miroir pour figurer un vitrail, et l’un de ces fragments évoquant une jambe, je lui ajoutai un petit morceau de ruban en guise de jarretière. Du réveil, je n’ai utilisé que le verre, les aiguilles et une des petites clochettes de la sonnerie qui donne une note assez vague, très approximativement proche du si bémol.

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Aurélien Dauguet