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Le surréalisme et le féminin

Lecture collective pendant la projection

samedi 14 décembre 1991.
 

Il était une fois une petite fille de village, la plus jolie qu’on eût pu voir : sa mère en était folle, et sa grand-mère plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon qui lui seyait si bien que partout on l’appelait... Le petit Chaperon rouge
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Quand ils eurent soulevé la terre bouleversée, les hommes poussèrent un cri de stupeur, et le maître se pencha. Alain avait bien dit la vérité : au fond de la fosse se trouvait une jeune femme très belle, recouverte d’un long manteau blanc maculé de terre. Elle paraissait dormir. Mais tout à coup, tous reculèrent épouvantés : le corps de la jeune femme venait de tressaillir. On la vit se redresser sur son séant, s’ouvrir à la lumière du jour.

Jean Markale, Contes bretons, p. 33


Elle est pierre et cependant non point pierre

En elle seulement la nature est active

Mais fait d’elle couler une fontaine.

Elle submerge son père fixe,

L’engloutissant, avec le corps et la vie,

Jusqu’à ce qu’enfin l’âme lui soit rendue ;

Et que la mère volatile, à lui-même semblable,

Soit dans son règne.

Basile Valentin, Les douze clefs de la philosophie


Lorsqu’elle avait fait son ouvrage, elle allait se mettre au coin de la cheminée, et s’asseoir dans les cendres, ce qui fait qu’on l’appelait communément dans le logis Cucendron. La cadette qui n’était pas si malhonnête que son aînée l’appelait Cendrillon.

C. Perrault.


Cendrillon ou Cucendron c’est le X, le khi, le rayon dans la cendre, au sein de laquelle demeure le verre précieux, figuré par l’invraisemblable pantoufle quand tous les ornements extérieurs, malgré leur beauté, ont disparu.

Eugène Canseliet, Les douze clefs... p.61


C’est une petite fée que je connais bien. Sa minuscule, mais parfaite tête ronde, aux cheveux couleur de lune en sait plus que nous autres sur les phases de la lune et le mouvement secret des astres, mais elle n’en dira rien...Elle aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur la densité variable des apparences !

Jean-Pierre Guillon, Demoisellerie


Si la matière première de tout ce qui existe est dite noire, parce que comme dans le noir toutes les couleurs y sont cachées, elle est aussi reconnue vierge, parce que non soumise au joug de la détermination formelle, et pourtant sur "le point d’enfanter" puisqu’elle con¬tient toutes les promesses. C’est le Rien dans lequel gît Tout.

Bernard Roger, Paris et l’alchimie, p. 23


Il était une fois un gentilhomme qui épousa en secondes noces une femme, la plus hau¬taine et la plus fière qu’on eût jamais vue.

C. Perrault, Cendrillon


Nous sommes tous à nos heures un peu femmes de nous-même et un peu femme de notre femme. On ne rencontre de maris au complet dans l’absolu du terme, que chez l’animal à l’état de nature.

Malcom de Chazal..


Mélusine non plus sous le poids de la fatalité déchaînée sur elle par l’homme seul, Mélusine délivrée, Mélusine avant le cri qui doit annoncer son retour, parce que ce cri ne pourrait s’entendre s’il n’était réversible, comme la pierre de l’Apocalypse et comme toutes choses.

André Breton, Arcane 17, p.9


Mes curieuses soeurs (si vous existez, ce dont je doute encore), je ne me couperai pas le moindre sein pour vous ressembler.

Vous êtes moi et je suis vous. Je ne suis pas autre mais unique en vous et périssable en moi.

Annie Le Brun, Sur le champ


J’ai perdu la nostalgie des perfections suspectes.

Je crache au sang sur mes raisons d’être

Je ne sais plus m’expliquer

Je végète, affabule, improvise, mange et dort

Je tourne en rond dans mon propre ventre

Je me PORTE, je me fais

Je suis ce que je n’étais pas hier

Je m’invente, je me prétends, je me regrette

Je et tout ce qui n’est pas JE m’importune

Est-on plus ordinaire ?

Marie-Josèphe, La Brèche n°5, p.52


Je m’adorais à ce moment là, je m’adorais parce que j’étais complète- j’étais tout, tout était moi - ; je me réjouissais de voir mes yeux devenus des systèmes solaires illuminés par leur propre lumière, mes mouvements, danse vaste et libre, où chaque geste reflétait idéa¬lement tout, danse claire et fidèle, mes intestins, qui vibraient en accord avec la doulou¬reuse digestion de Madrid, me satisfaisaient tout autant.

Leonora Carrington, En bas, p. 26


J’ai connu toutes les roueries

J’ai gravi l’échelle de mon désir

Avec un petit manteau d’écolier

Posé sur les épaules

J’ai navigué dans une barque

Grande comme une coquille

Le sommeil n’avait plus de secrets

Tant était grande la faiblesse de ma petite tête ronde

Mais chaque soir un grand animal de laine

Monté sur ses béquilles

Frappe à ma porte

Avec les lettres de la nuit

Marianne Van Hirtum, Le Cheval arquebuse


Mes règles s’arrêtèrent à cette époque, pour ne reparaître que trois mois plus tard à Santander. Je transformai ce sang en énergie compréhensive, masculine et féminine, mi¬croscopique ou macrocosmique et aussi en vin que buvaient la lune et le soleil.

Léonora Carrington, En bas, P.27.


Et chaque femme qui la vit voulut qu’elle devint son enfant chérie.

- Il s’en trouva dix-sept

Il faut être bien malheureux pour avoir tant de mères .

Marianne Van Hirtum, Les Insolites, p. 55


Je suis la pierre qui pèse entre tes jambes...

Je suis le fugitif qui court entre les murs

De sa peine

Je suis le cerne de ta vaste clairière

Je suis les barreaux qui meurtrissent ta raison

Je suis la route libre

Et la chair

Joyce Mansour, Faire signe au machiniste,p.49


Le couteau c’est papa. Le blanc qui sert à couper, sa chemise ; le noir qu’on tient dans la main, son pantalon. Si le blanc qui sert à couper était pareil au noir on pourrait dire qu’il est en pyjama, mais malheureusement il n’y a pas moyen.

La fourchette c’est Cynthia. La belle Cynthia, l’Anglaise. Ce qui sert à piquer les choses qu’on veut prendre dans l’assiette, c’est les cheveux de Cynthia. Elle a une jolie poitrine qui saute, car elle est essoufflée. Papa est bien content. Il caresse Cynthia et il rit parce qu’il croit qu’elle a enfermé deux petits oiseaux dans son corsage.

Alors il lui fait une déclaration :

- Tu sais Cynthia, je t’aime. Je suis ton amoureux.

Crevel, Babylone, p.15


Je suis heureuse d’un bonheur aussi inusable que l’eau.

Quel génie est le vôtre père !

Partis les trous d’ombre qui creusaient ma poitrine, parties mes nuits d’angoisse, partie l’incertitude. Je suis votre fille, Père, je ne serai plus votre amante...

Joyce Mansour, Le Bleu des Forêts, p.50.


Priape a prié papa

Et papa priait Priape

On ne sut qui le premier

Pria papa ou Priape

Et moi je ne dis rien

Qui ne dit mot

Con Sang

La Vierge de Confolens


Sais-tu petite

Ce matin Oedipe a quitté l’école

Et la dame sa fourchette

A toi à toi petite

Comme tous les jours

A toi

Marie-Dominique Massoni, L’Entrée et la sortie


Toute chose qui vient à naître a la soie de l’être.
Le soleil sans un pli développe ses étoiles sous des volcans noueux aux longues ailes de vulve, sous mon visage de vulve, aux yeux pyramidaux, renaissants, aux longs couloirs vivants.

À chaque palier soyeux-lumineux

On caresse l’intérieur de petites langues de feu.

Thomas Mordant.


Le cri d’une mouette effarouchée, voilà ce que j’ai dans la bouche, j’ai la bouche pleine de mouettes maintenant, de mouettes échappées de tes yeux et qui viennent me mordiller le fond de la gorge comme pour donner des ailes à ma voix qui ne cesse de s’élever, de s’élever inlassablement, elles volent en moi ces mouettes, elles me fouillent dans les plis les plus reculés, croyant sans doute qu’il s’agit de vagues tellement elles sont hantées par le pressentiment que renforcent encore tous ces vent relevés d’embruns qui me bousculent, il y a quelque part en moi la mer, une mer semblable à celle qui baigne tes yeux dont elles ont gardé le souvenir, mer reliée à la tienne par je ne sais quelle rivière souter¬raine toujours en crue qui me dévaste...

A Roussel, Ecriture Suicide, p11
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Tandis que l’on passe sa vie à repasser

Un fer ancien avec une chaussette neuve,

Le Principe arrive à la fin

Marianne Van Hirtum, La Nuit mathématique, p.11


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Mais tu l’envoies, bouc noir, paître avec les zèbres du hasard, et tu ris de ses surprises, comme d’un volcan trop cuit, et ton rire me glisse un soleil sous la langue.

Guy Girard, Les Neiges carillonnantes
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D’un seul coup de couteau, tu peux devenir un homme, sans effort d’intelligence, sans paroles.

Joyce Mansour, Le Bleu des forêts, p.78
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Elle nous apprend que plus d’une fois il nous faudra faire plus d’une fois

Son corps n’étant qu’une des formes de la pluie

Marianne Van Hirtum,
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Tu tailles ta barque dans une fleur d’arum

Pour barrer vers les glacis nus

Où dorment les émois couleur de pervenche.

Appuie-toi sur les coeurs haletants

Comme la faux sur le cri de l’herbe.

Vincent Bounoure, Talismans
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Femme tu souris

Les hommes vont te voir

Je ne veux pas

Tu es trop belle ou pas

Ne sors pas de moi.

Marie-Dominique Massoni, Tout Filet perdu

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Avec d’infinies précautions de tendresse,

Je pris l’Abominable entre les bras.

C’est vrai qu’il a les yeux plus grands que décharnés.

Ses membres sont à rebours.

Je tamponne son ventre avec une cymbale de carton.

Les longues neiges de la nuit des inconçus

M’aideront à lui faire un berceau décent.

Marianne Van Hirtum, La Nuit mathématique,p.52

Travailllez sans filet,

Pour la grande étoile de mer

Qui négligemment étire ses gants

Filant doucement

Sans exploit

Vers un destin de soie

Barbare

Nicole Espagnol Little Magie
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Il faut à cri un infini féminin.

Michel Zimbacca.


Les femmes n’aiment-elles pas les rêves des hommes ?

Peut-être ont-elles peur.

Veux-tu que je te raconte l’histoire de la naissance de ta mère ?

Ou préfères-tu que je rêve dans une autre langue ?

Joyce Mansour, Le Bleu des forêts


La fée des larmes - elle est dans une fleur - a le plus beau regard du monde

Marianne Van Hirtum, Le Cheval Arquebuse