(1928 - 1996)

Si le talisman
surréaliste est
encore agissant, c'est
grâce à l'obstination
irréductible d'un poète. Lors
de la crise qui, en 1969, trois ans
après la disparition d'André Breton,
faillit compromettre la poursuite de
l'aventure, il fut celui qui, face au désarroi
et à la capitulation, sut attiser les énergies et
assurer la continuité du groupe surréaliste et de
son activité collective. Ses poèmes, rassemblés dans
quelques recueils (Envers l'ombre, 1965 ; Talismans,
1967 ; Maisons, 1976), illustrés par Jean Benoît, Jorge
Camacho, Guy Hallart, Martin Stejskal, témoignent d'une vie
entière à la poursuite de l'étoile cachée dans les fleurs de
bruyère. Fasciné par les civilisations dites primitives il était un
spécialiste universellement reconnu des arts océaniens , il rêvait à un
monde nouveau, au delà de l'infâme cage d'acier capitaliste : la
Civilisation surréaliste. C'est sous ce titre qu'en 1976, il rassemble avec son
ami pragois Vratislav Effenberger des textes d'amis surréalistes français et
tchèques. Depuis le 15 janvier 1996, notre ami Vincent Bounoure change sans cesse
d'adresse. On le rencontre dans chaque tempête tropicale rouge et noire, dans chaque
requin psychopompe des îles Salomon, dans chaque homme lézard de l'île de Pâques, dans
la musique terrifiante des flûtes sacrées de l'Amirauté. A moins qu'il ne soit retourné au lieu
d'origine du surréalisme : le moyen Sépik en Nouvelle Guinée, entre les rivières Karameria et
Korosomeri. Décrivant le rituel des cérémonies malangans du nord ouest de la Nouvelle Irlande,
Vincent écrivait ceci : « Si notre condition d'individus nous interdit de vivre plusieurs tours de cadran
successifs, la suite des êtres qui composent tour à tour un même groupe en est très capable pour
peu qu'il se voie comme une totalité. […] Par sa médiation, quelque essence indestructible se transmet
de proche en proche depuis les plus lointains ancêtres jusqu'aux vivants. » (Vision d'Océanie).