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Transmutation du langage, S.U.RR. n°4

 ! ? TU PARLES ! … ?

mercredi 6 novembre 2002.
 


- Bonjour ! Avez-vous un nom préféré ?


À recevoir ? À donner ?


En attendant une telle bienvenue à tout un peuple de libertés, tous les noms se cherchent dans la nature des choses et aspirent à se présenter au 1 bis, rue Quotidienne. Mais d’où sortent, que sont, où vont les pensées qui se sont cru transmises ou n’ont pas trouvé à se dire ?


Des premiers mots venus aux derniers revenus en ce qui pense ne pas pouvoir penser sans le locus solus et se retrouve prévenu de ne se re-citer qu’en histoires, il nous faut faire entendre le murmure refluant, éprouvant de chaque ton le solus sans locus, la sourdine suscitée sous caverne du mythe au gré des figures du bruissement, au guet de l’évanouissement de tout prélude devant l’appel en échos de l’engoulevent.


Comme nous traverse la femme du cri de la beauté qui la meut, toutes morales confondues, il faut que se formule l’augure originel du verbe : pourquoi n’a-t-on pas fait d’Euréka le prénom féminin des genèses ?


Le langage est d’UNION LIBRE, comme celui de NOS poèmes, parmi les plus partagés. Il invite à un déploiement infini. Ici, aujourd’hui voilà : - Ma femme à la pensée nue… telle que me saisissant du regard, Anny disant :


- Mes cheveux ont une sale tête.
- Je vais continuer à être plus belle que jamais.
- Elle avait envie de rien me dire.
- C’est parce qu’on peut ne rien faire…. avec ce qu’on a.
- Je crois que je te quitte … une seconde avant d’arriver.
- Il est très…inoffensif
- J’ai besoin d’absents.
- Ils auraient eu des mœurs … chacun de leur côté.
- Je crois qu’il n’aime pas … du tout ma façon de travailler …parce que je ne fais rien.
- ça réveille … des envies de dormir.
- J’ai envie de sortir, moi, comme les rois fainéants.
- Ton chocolat ne supporte pas le foie.
- des relations pratiquement platoniques.
- Après le chant j’avais du cœur partout.
-…

Latente ou éclatante, la charge vive d’une telle expression, spontanée jusque dans sa syntaxe, articule des faits repérables par les seules liaisons du ressenti. Une telle adhérence de la pensée aux moyens qu’elle emprunte ne se connaît d’autres chances que la poésie. Elle s’impose comme par surprise aux objets du langage qu’elle déroule à sa guise sans éprouver le moindre doute sur sa transmission et entraîne sans distance ni mépris les contingences qui l’ont provoquée, celles mêmes que, sous la dominance d’habitudes mentales toujours prêtes à éluder les affects, le langage commun tend à réduire en justifications.


Primauté, sujétion du langage ou de la pensée, la question n’apparaît plus ici que réduite à l’observation de qui pilote qui, quand et pourquoi. De telles saisies de l’expression, leur entraînement sur-versif aux évidentes pulsées du cœur laissent apparaître les émergences d’une dialectique particulière dont négations et affirmations ne sont plus affrontées mais associées par un redoublement. Le sentiment et ce qui l’a suscité s’y présentent intégralement. Il suffit d’en recevoir la sincérité pour prendre avec soi cette démarche d’apparente inversion et reconnaître son caractère participatif dont les voies se distinguent des processus d’avancées combatives s’appuyant sur la crête des contradictions vers une résolution provisoire à reporter sur la prochaine.


« Il y a dans le rapport intime de chacun au langage - à SA langue - une valeur érotique, il y a un rapport érotique à la langue, il y a une érotique du langage. Comme l’expose, sous ce titre, Bernard Caburet dans un texte largement inspiré par J-P Brisset(1)


N’est-ce pas assez dévoiler sur l’origine du verbal, pour avancer que d’un sexe, l’autre, une telle dialectique peut, à plaisir, être qualifiée de féminine (2) ? Y a-t-il sur la terre une langue dont le mot poésie serait masculin ?


De ses pouvoirs éprouvés dans l’intime à ceux pressentis pour transformer la vie, sa proximité ou sa ressemblance avec celle que l’homme de science, de pensée ou d’invention s’évertue à déchiffrer dans les œuvres de la nature, la situe, intuitivement jusqu’ici comme participant plus complètement de la même énigme. Délivrée des occultations culturelles, sa pratique serait appelée à bouleverser ou tout au moins à compléter celle qui se trouverait réduite de n’être plus que « masculine », pour une re-jouissance en chanté de l’être de langage.


Nous en sommes aussi loin que de pouvoir capter tout le contenu du rêve avec le contenant que nous sommeillons.


Ce phrasé d’Anny surprend une écoute prête à se formuler d’avance l’idée, avant d’avoir entendu la suite des propositions. Quand il n’a pas été rapidement transcrit, je me désespère de n’en pouvoir retrouver l’énonciation exacte sans laquelle le bonheur s’en évente. Étonnée de mes rires ou de mes ravissements qui la troublent, elle a aussi perdu ses mots comme sortie de sa pensée au contact du LIEU commun qu’a réintroduit mon incapacité de reproduire, c’est-à-dire d’agir ma pensée en cette dialectique. Elle, pourtant n’en est nullement inquiétée.


En ce logos pénétré, signes et pensées semblent s’interagir dans un jeu de projection et d’introjection propre à des associations et concertations qui laissent à considérer l’amplitude des latences du verbe. De ce gisement la psychanalyse dégage la part tout internée du sens d’une négation qui s’est inscrite, laissant à la conscience prise l’opération résolutoire. Mais du bonheur à donner et recevoir les mots-images, qui n’a pas vécu du rêve en ses plus profonds agissements, la complétude du résolu dans l’allégresse ? Ce fond de toute jeunesse où ont puisé sans chercher à le localiser les sagesses authentiques, ce poème continu qu’il nous incombe de réanimer, peut-être sans forcer à se découvrir tous les secrets de son constant renouvellement.


Sans avoir jamais pu comprendre d’où elle venait…


… Il fêtait une oie…


… afin que tout soit dit du merci aux lèvres du silex et que chaque chose ayant retrouvé son prénom, chaque mot s’exalte d’avoir le visage en énonciation pour plus beau paysage.


Notes :

(1) Bernard Caburet - Érotique du langage, inédit.

(2) Marie-Dominique Massoni, qui ne voyait pas en quoi ce type d’expression pouvait être attribué à un mode féminin de la pensée, s’adressant à Anny :
- C’est souvent que je ne te demande pas grand-chose !

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Submersion
Jeu des petits transparents