Accueil > Enquêtes > La volupté s’enquête > Analyse des réponses

À propos de l’enquête et de son élaboration

mercredi 22 novembre 2006.
 

À la différence des précédentes investigations
publiques du groupe surréaliste
("Le suicide est-il une solution ?"
etc.), dans lesquelles les termes de
l’enquête offraient un consensus sémantique suffisamment
stable pour que l’enjeu des questions
posées apparût dans toute sa clarté, l’enquête
proposée par Michel Zimbacca sur la volupté a
d’emblée suscité une interrogation de fond, liée à
la définition même de la notion envisagée. La
ficulté, voire l’impossibilité de traduire ce terme
en d’autres langues, comme l’anglais ou le
tchèque, a rendu manifeste le sentiment que le
mot « volupté » ne se laissait pas cerner, comme
les mots « plaisir », « désir », « orgasme », mais
tendait à échapper à toute forme de définition
simple telle qu’en peuvent donner les dictionnaires.
Dès lors l’enquête s’est engagée insensiblement
parmi nous dans une voie imprévue qui
a tout à la fois modifié et enrichi sa visée, dans la
mesure où elle a construit son objet dans le
moment même où elle réfléchissait sur lui.

Il m’a semblé assez vite évident que notre ami
avait choisi le mot « volupté » comme le terme
le plus approprié pour rendre compte d’une
intuition sensible déjà mentalement élaborée,
mais qui en excédait largement les acceptions les
plus communément admises, excepté peut-être
celles qui se trouvaient déjà implicitement à
l’oeuvre sous la plume d’un poète comme
Baudelaire ; et que si nous restions attachés à la
lettre des emplois consacrés par l’usage nous risquions
fort de ne pas sortir du cercle des définitions
et des contre-définitions.

À travers nos différentes réponses et les
confrontations que nous avons menées à l’occasion
de nos réunions, nous avons progressivement
permis à Michel Zimbacca d’expliciter au plus précis
son intuition de départ, et nous avons réinvesti
l’idée de volupté d’un sens recomposé qui lui permet
notamment d’englober et de dépasser l’acception
courante de plaisir sensuel. Nous avons
autant enquêté sur les domaines d’application d’un
mot que rendu plus vastes, plus denses et plus passionnants ces domaines eux-mêmes, dans un geste
d’exploration consistant non pas à cartographier
un territoire préexistant, mais à créer le territoire
en même temps que la carte.

Joël Gayraud